Co-construire des projets de communication interne peut sembler être le nouveau concept à la mode. S’agit-il d’acheter à bon compte l’adhésion des équipes ou de donner l’impression d’une démarche démocratique ? Cela résonne tout autrement pour les personnes en charge de la communication interne d’entreprises internationales. Embarquer les équipes et les relais de communication dans les pays, les faire adhérer aux programmes qui devront être mis en oeuvre, contribuer à résoudre la tension entre « global » et « local » sont des enjeux qui laissent peu de place à la centralisation.

Pour une multinationale comportant une équipe de communication interne centrale et un réseau de communicant.es-relais dans chaque pays, le partage d’un cadre stratégique est indispensable. Un exercice incontournable chaque année est le partage et la diffusion d’une démarche commune et d’axes d’activités prioritaires. Il s’agit de communiquer les objectifs, de présenter les grandes lignes stratégiques du plan de l’année, les programmes à décliner et à mettre en œuvre, et de mettre en exergue les jalons principaux concernant les actions-clés à prévoir. Ainsi les différentes filiales et entités dans chaque pays pourront s’aligner sur cette trame et développer un programme local en synergie avec l’approche globale.

Sortir du top-down

Cependant, le risque de cette démarche est de produire une information trop « top-down », de façon dirigiste et non concertée. Il sera alors difficile pour le niveau local de s’approprier les temps forts et objectifs clés. Le fait d’écouter et d’intégrer les préoccupations particulières, les dates-clés de chacun et le tempo préféré permettra une meilleure mise en œuvre sur le terrain.

De plus, la plupart du temps, les équipes locales sont les seules à posséder l’ancrage nécessaire pour déployer les projets de façon tangible. Une simple proposition de plans de communication interne par les équipes centrales ne permet pas une activation réelle sur le terrain – faute de moyens. Ces « guidelines » et recommandations ne pourront prendre vie que via les budgets et les ressources des pays qui permettent leur réalisation concrète. Dans ces conditions, il est impossible d’imaginer déployer une stratégie sans embarquer les équipes locales bien en amont et, in fine, cette démarche renforce la pertinence des stratégies de communication.

Prendre en compte l’aspect multiculturel, comment ?

Si l’on prend l’exemple des campagnes internes d’engagement de collaborateurs et de collaboratrices autour d’un thème commun, il est encore moins possible pour les équipes centrales de faire cavalier seul et de plaquer un programme pré-construit sur différentes réalités et cultures locales. Les modes de management et relations au travail différant d’un pays à l’autre, le passage par la co-construction est donc une étape obligée. Selon que les habitudes dans un pays seront de partir tôt du travail ou, au contraire, d’arriver tôt le matin ; d’encourager le télétravail ou pas ; de faire confiance aux équipes ou de les contrôler, de manager de façon distante ou en proximité … un même programme d’engagement pourra réussir ou échouer.

Parmi les bonnes pratiques à installer au sein d’environnements internationaux, on peut retenir le fait de monter et d’animer des groupes de travail multi-pays en amont, pour co-construire certains aspects du plan. On pourra aussi pré-tester les campagnes dans différents pays. Par exemple, un « serious game » ou un quizz fonctionneront très bien dans certaines régions et seront considérés comme dévalorisants ailleurs par la même cible. De la même manière, une bande dessinée humoristique sera très appréciée ici et moquée là. Selon les relations en place envers les hiérarchies, une campagne reposant sur des selfies ou des vidéos décalées mettant en scène des senior managers sera perçue comme positive valorisante pour certains et déplacée pour d’autres …

L’antidote au NIH syndrome

Enfin, la démarche de co-construction peut s’envisager également comme une opportunité de renforcement utile des équipes de communication internes centrales. Souvent, les entreprises multinationales ont une équipe de communication interne assez réduite au niveau du Groupe. Et cela devient parfois limitant pour concevoir et piloter les nombreux programmes internationaux requis. Il peut alors être intéressant et efficace de s’appuyer sur les équipes locales et leurs expertises pour renforcer les activités globales.

L’enrichissement mutuel est indéniable : chacun découvre mieux la culture et les contraintes des autres. Une implication active dans la co-construction, doublée d’un partage des meilleures pratiques des pays pour les redéployer au niveau mondial, assure une meilleure cohésion et une solidarité renforcée des équipes de communication interne. La co-construction vient dénouer la tension et les jeux de pouvoir entre projets globaux et locaux. Et le syndrome du rejet systématique de ce que l’on n’a pas créé soi-même (Not Invented Here Syndrom), bien connu des entreprises internationales, n’a plus lieu d’être. Chaque pays peut, au contraire, devenir acteur – ou acteur potentiel – d’une démarche cohérente et collégiale destinée à apporter le meilleur à l’ensemble des entités. 

De l’écoute, et un mode d’animation inclusif 

Au final, loin d’être une perte de temps ou une approche cosmétique, l’implication d’équipes représentant toute la diversité culturelle de l’entreprise pour concevoir ensemble certains pans des stratégies et campagnes de communication globale en interne est un réel facteur de succès. Cela nécessite beaucoup d’écoute et un mode d’animation inclusif éclairé bien éloigné d’une démarche top-down.

NB : cet article a été publié initialement dans le numéro 45 des « Cahiers de la Communication Interne », la revue de l’AFCI.