A l’exception de quelques entrepreneurs sociaux, les multiples organisations (associations et coopératives, notamment) qui composent l’écosystème de l’économie sociale et solidaire en France adhèrent souvent à l’approche du « plus on en dit, moins on en fait », qui voudrait que la communication porte en elle un travestissement de la réalité et/ou un dévoiement des valeurs. Qu’il soit cependant permis d’émettre une opinion contraire. Après tout, communiquer, c’est s’ouvrir et partager. C’est transmettre un message. C’est créer du lien et engager un dialogue. C’est aussi et avant tout sensibiliser le public à un projet. Pourquoi, dès lors, les organisations de l’ESS devraient-elles avoir peur de perdre leur âme, à partir du moment où elles font connaître ou promeuvent leurs activités, leurs missions et leurs valeurs ?
Le constat : l’ESS est appréciée des Français
Un sondage réalisé par l’IFOP en mars 2015 montre que même si l’ESS reste relativement méconnue, elle bénéficie d’une perception très favorable de la part des Français. Plus de la moitié des répondants indiquent ainsi pouvoir envisager de travailler au sein d’une structure de l’économie sociale et solidaire, en premier lieu pour « faire partie d’une entreprise qui répartit équitablement ses richesses et qui constitue un modèle de développement durable » et en second lieu pour « donner plus de sens à leur travail ».
Il est en outre intéressant de noter que ces réponses transcendent les catégories d’âge autant que les professions. Les 25-34 ans sont certes plus nombreux – 63%- que leurs aînés à souhaiter s’orienter vers l’ESS, mais 53% des 50-64 ans partagent ce désir de sens et d’équité. De même, si 61% des cadres supérieurs et des professions libérales indiquent pouvoir se laisser tenter par l’ESS, le pourcentage est sensiblement identique – 63%- pour les ouvriers.
Enfin, dernière illustration du degré de sympathie pour l’économie sociale et solidaire, 82% des répondants estiment que les autorités publiques, au premier rang desquelles les collectivités locales et territoriales, devraient investir dans le développement de l’ESS, via la commande publique ou la délégation de certaines missions de service public.
La conséquence : trois bonnes raisons de communiquer !
Ces chiffres font apparaître clairement que les organisations de l’ESS bénéficient d’un terreau favorable pour communiquer.
D’abord, pour séduire les talents, et attirer les expertises dont elles ont besoin pour se développer, au-delà de l’engagement des bénévoles dans les associations. Il est évident, par exemple, que, si l’on excepte les banques mutualistes et certaines grosses structures qui ont les moyens d’attirer les ressources et les compétences nécessaires, la plupart des associations (qui représentent la grande majorité des organisations de l’économie sociale et solidaires) doivent faire face au défi de la professionnalisation en matière financière et comptable, de la communication ou dans le domaine des nouvelles technologies.
Deuxième raison de communiquer, la nécessité de se faire connaître pour sensibiliser et générer l’engagement des adhérents et donateurs. Les chiffres qui ressortent du baromètre de « La Générosité des Français », publié chaque année par Recherche et Solidarité, montrent un tassement général des dons depuis 2015, avec une concentration sur les secteurs de la protection de l’environnement et de la recherche médicale. Dans un contexte de raréfaction des subventions publiques, les associations qui vivent principalement de l’appel à la générosité se trouvent donc dans l’obligation de mieux faire connaître leurs missions, leurs activités et les valeurs qu’elles portent pour assurer leur pérennité. Au-delà, les associations sont en recherche constante de nouveaux adhérents, qui en constituent les forces vives, les bénévoles et les administrateurs.
Enfin, et c’est essentiel, la communication des organisations de l’ESS doit s’attacher à faire changer les comportements. Au premier chef, ceux des acteurs publics, qui sont les donneurs d’ordre principaux. Alors que, depuis quelques années, les marchés et les contrats se substituent aux aides et aux subventions, il est indispensable d’éclairer les financeurs et partenaires potentiels (publics et privés) sur les capacités, les missions et les valeurs de structures qui promeuvent et pratiquent l’insertion par l’activité économique, par exemple.
Les enjeux : quels axes de communication et quels arguments mettre en avant ?
Il apparaît à l’évidence que les structures de l’ESS, et en particulier les associations, évoluent aujourd’hui dans un environnement profondément transformé. Plus concurrentiel, plus diversifié, et plus digital, ce nouvel écosystème requiert une communication multi-canaux, multi-cibles et multi-objectifs. Il faut se faire connaître, promouvoir ses services, attirer des financeurs et des partenaires, séduire des adhérents potentiels, mobiliser des bénévoles… Le projet le plus socialement ou écologiquement novateur, s’il ne se fait pas connaître, restera simplement un projet.
Comment, dès lors, choisir son territoire d’expression et ses messages ?
Le premier impératif est celui de la sincérité. A rebours du « greenwashing » ou du « social washing », il convient d’affirmer ses valeurs fondatrices, et de fournir les preuves de leur mise en œuvre dans son activité quotidienne.
Second commandement, la transparence. Le mot est probablement sur-utilisé, mais le concept reste essentiel. Plus encore que les entreprises classiques, il est attendu de structures à visée sociale et solidaire qu’elles soient exemplaires et ne cachent rien.
Enfin, toute forme de timidité ou de fausse modestie doit être prohibée. En présentant clairement et avec fierté leur mode de fonctionnement, leur projet, leurs missions et leurs réalisations, les structures de l’ESS peuvent paradoxalement redonner à la communication une forme de noblesse. La coquille n’est plus vide et l’objectif n’est plus de communiquer pour communiquer. Ce qui est en jeu, c’est le développement, la continuation et la pérennisation d’une organisation, qui exerce souvent une activité d’intérêt collectif. Ici encore, la communication retrouve son objectif premier : servir la stratégie globale d’une organisation et lui permettre de se reconnecter avec ses parties prenantes.