En France, en Europe et au-delà, le reporting intégré s’impose progressivement comme un vecteur majeur dans la communication des entreprises à l’intention de leurs parties prenantes internes et externes. Plus de 1.500 sociétés dans le monde publient aujourd’hui des rapports intégrés. En France uniquement, leur nombre a augmenté de 40% entre 2016 et 2017, et la tendance à la hausse se poursuit en 2018.

Qu’est-ce que le reporting intégré?  

De manière synthétique, le reporting intégré vise à identifier, prendre en compte et piloter l’ensemble des facteurs de création de valeur d’une entreprise. L’objectif est donc de dépasser la simple analyse des données financières et de présenter aux parties prenantes la manière dont sont utilisés les différents capitaux (humain, intellectuel, social et sociétal, financier, manufacturier et environnemental) qui contribuent à créer de la valeur à long-terme. Très clairement, le reporting intégré s’inscrit dans une perspective de développement durable, en prenant en compte la totalité des risques et les opportunités qui doivent être intégrés dans la définition d’objectifs stratégiques et des actions permettant d’atteindre ces objectifs.

La révolution de l’« integrated thinking »

L’ « integrated thinking » est la première étape de tout projet sérieux de reporting intégré. « L’idée est simple », explique Mervyn King, ancien Président de l’International Integrated Reporting Committee (IIRC). « Il s’agit pour une entreprise d’analyser l’impact de ses six capitaux sur la société dans son ensemble. S’il est démontré, par exemple, qu’un certain type de produit a une influence directe sur l’obésité des enfants, l’entreprise qui le commercialise devra évaluer son impact social et raisonner de manière intégrée pour diminuer cet impact, et, par exemple, ne plus cibler les enfants de moins de 12 ans dans ses campagnes publicitaires. » (1)
Le cadre existe et ouvre un large choix de mises en œuvre, mais l’idée de « casser les silos » et d’adopter un modèle de réflexion plus transversal et plus global séduit un nombre croissant d’entreprises. Plus de 3.000 d’entre elles indiquent aujourd’hui être engagées dans une démarche d’integrated thinking, avec des niveaux de maturité divers : pour 35% des émetteurs concernés, le processus en encore en phase de démarrage, alors que 28% de ceux qui ont mis en place la démarche la considèrent comme avancée ou très avancée.  Signe fort de ce progrès, l’impulsion et l’engagement de plus en plus marqué des instances de gouvernance.  Ainsi, dans 55% des entreprises françaises ayant entamé une démarche intégrée, les travaux sont pilotés par les Conseil d’Administration et/ou le Comité exécutif. Cela peut apparaître comme une évidence, dans la mesure où l’integrated thinking alimente au premier chef la réflexion stratégique, mais constitue néanmoins un signe fort.   

Au-delà des concepts, des évolutions concrètes 

La diffusion de l’integrated thinking dans les entreprises se traduit souvent très concrètement par une évolution des pratiques, visant à renforcer la pertinence et la cohérence des stratégies de création de valeur. Ainsi, plus de la moitié des émetteurs engagés dans la démarche indiquent s’attacher à identifier les méga-tendances qui transformeront leur marché à moyen et long termes. 
La plupart d’entre eux formalisent également désormais leur business model et 75% définissent aujourd’hui leur stratégie dans une perspective de durabilité. Enfin, un tiers des entreprises étudiées expliquent avoir dessiné la cartographie des compétences de leur Conseil d’Administration, afin d’aligner les expertises de gouvernance et la stratégie de l’entreprise.  

Le rapport intégré, traduction éditoriale de l’integrated thinking 

L’integrated thinking trouve logiquement sa traduction dans la communication des entreprises.  Plus de 1.500 d’entre elles dans le monde publient aujourd’hui un rapport intégré. En France, 23 des entreprises du CAC 40 ont produit ce type de document sur leur exercice fiscal 2016-2017.  
De manière naturelle, dans la plupart des cas, le rapport intégré remplace le traditionnel rapport annuel (pour 72% des entreprises concernées) et/ou le rapport de RSE. Par ailleurs, les sociétés qui produisent des rapports intégrés commencent à en assumer pleinement la terminologie : en 2017, il était explicitement fait état de la mention « rapport intégré » sur la couverture de 66% des rapports ainsi publiés.
L’integrated thinking trouve logiquement sa traduction dans la communication des entreprises.  Plus de 1.500 d’entre elles dans le monde publient aujourd’hui un rapport intégré. En France, 23 des entreprises du CAC 40 ont produit ce type de document sur leur exercice fiscal 2016-2017. Enfin, preuve supplémentaire de l’adaptation éditoriale de la stratégie d’integrated thinking, les projets de rapports intégrés sont le plus souvent co-pilotés par plusieurs directions, dont notamment la direction financière (dans 45% des cas), la direction de la communication et la direction RSE ou développement durable (dans plus des deux tiers des cas).     
Au-delà de son objectif de communication institutionnelle, le rapport intégré est donc un catalyseur ou un accélérateur d’intégration. Il permet notamment de valoriser la stratégie de l’entreprise et d’offrir un terrain d’expérimentation concrète de la démarche mise en oeuvre.  

Des axes de progrès, une dynamique d’amélioration continue 

Si l’integrated thinking et la publication de rapports intégrés se diffusent rapidement dans le monde, «même en dehors des très grands groupes», «nous sommes encore dans la jeunesse d’un exercice qui mérite d’être perfectionné», indique Philippe Peuch-Lestrade, membre de l’IIRC. (2)
Sont ainsi souvent mis en exergue la focalisation excessive sur la création de valeur passée (dans 46% des rapports étudiés dans le monde), au détriment d’une vision plus prospective, et la trop faible mise en avant des actifs immatériels. De même, la connectivité, ou la mise en relation des contenus les uns par rapport aux autres, reste un axe d’amélioration fort, dans la perspective d’une présentation globale et cohérente.  
Pour autant, tout comme la démarche d’intégration qu’il illustre (et catalyse), le rapport intégré est un exercice perfectible, qui s’inscrit dans une logique d’amélioration continue. Il est ainsi illusoire de considérer que l’objectif peut être atteint dès la première édition. Les émetteurs eux-mêmes estiment que deux années sont nécessaires pour parvenir à une présentation claire du business model et de la stratégie et que la production d’un document « complet » en termes d’explications, de commentaires, d’infographies et de pédagogie en général exige un travail sur trois ans.  

Des bénéfices déjà manifestes, des enjeux croissants 

Même si la première édition d’un rapport intégré reste incomplète et perfectible, les entreprises en ressentent rapidement les bénéfices. Ils concernent en particulier la compréhension globale des leviers de création de valeur par les salariés et les actionnaires.  Plus largement, dans un contexte où 80% des investisseurs indiquent aujourd’hui demander des informations sur les éléments extra-financiers des entreprises, le rapport intégré constitue un outil de communication de plus en plus pertinent. Sa publication est d’ailleurs fortement encouragée par les principaux asset managers internationaux, qui gèrent et allouent les actifs d’investisseurs institutionnels, corporate et particuliers, et intègrent désormais des critères ESG (environnement, social et gouvernance) dans l’évaluation de la majorité de leurs fonds. 
Dans une « déclaration d’investisseurs » publiée en octobre 20173, une dizaine de ces grands gestionnaires d’actifs expliquaient ainsi  qu’ils devaient, pour assumer leur responsabilité fiduciaire envers leurs clients « avoir une perspective sur la performance à court et long –terme des émetteurs, et comprendre les risques auxquels ils devront faire face, non simplement au cours du trimestre à venir, mais pendant les années ou dizaines d’années à venir ». « Pour cela», ajoutent-ils, « nous devons comprendre la stratégie des entreprises, leurs ressources-clés et les actifs auxquels elles ont accès. Nous souhaitons une communication plus efficace sur la manière dont une entreprise s’engage sur le long terme, et considérons le Reporting Intégré comme un élément important dans nos décisions d’allocation de capital.» 
Sans remettre en cause la légitimité d’autres outils de communication (communiqués ou dossiers de presse, par exemple), le reporting intégré offre donc aux entreprises une réelle opportunité qui va également au-delà de la simple diffusion d’informations ou de la mise en conformité avec des exigences légales et réglementaires de plus en plus fortes.
En formalisant et en expliquant comment elles créent et partagent de la valeur, en analysant de manière cohérente les risques auxquels elle seront confrontées et les opportunités dont elles pourront bénéficier, et en portant leur réflexion sur le long terme, les entreprises peuvent trouver de nouveaux leviers d’efficacité et de performance et répondre aux demandes de l’ensemble de leurs parties prenantes.  

NOTES 

1 Entretien avec Mervyn King – publié dans le Rapport Annuel 2013/2014 de Mazars 
2 https://www.affiches-parisiennes.com/rse-l-essor-du-reporting-integre-8609.html 
3 http://integratedreporting.org/wp-content/uploads/2017/11/CreatingValue_Benefits_to_InvestorsIIRC.pdf